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Nous reproduisons ici l'article d'Axel Lion,
publié le 05/12/2022 sur le site "Science pour tous"
(site de diffusion des savoir de l'université Claude Bernard Lyon 1)
L'épilepsie touche près de 600 000 personnes en France dont 30% sont pharmaco-résistants.
Depuis l’apport des sciences sociales, l’épilepsie renvoie aujourd’hui principalement à deux notions : celle de l’incertitude, omniprésente dans le quotidien des malades et de leurs proches du fait des crises qui peuvent se déclencher à n’importe quel moment ; et celle de la stigmatisation, les porteurs d’épilepsie vivant dans la crainte permanente de la révélation fortuite de leur maladie via le déclenchement inopiné d’une crise.
Les effets de la stigmatisation liée à l’épilepsie incitent les individus à réduire leur participation sociale et à s’isoler, un processus également observé au niveau de leurs pratiques physiques. La peur de voir se dévoiler leur maladie ou celle de se blesser au décours d’une crise freinent les personnes épileptiques à s’engager dans des activités sportives.
Le manque d’informations et de recommandations médicales agit également comme une barrière. De plus, les manifestations physiologiques liées à l’effort telles que l’essoufflement ou la sudation sont parfois identifiées – à tort – comme des facteurs déclencheurs de crise, renforçant leur « auto-exclusion » de ces pratiques physiques.
Plus dommageable encore, ces idées reçues seraient encore tenaces chez certains professionnels de santé et du sport. Ces éléments peuvent expliquer que l’épilepsie, à l’instar de nombreuses pathologies chroniques, a longtemps été considérée – et l’est parfois encore – comme une contre-indication à la pratique sportive en elle-même.
La littérature scientifique permet d’affirmer aujourd’hui la nette supériorité des bénéfices de l’activité physique sur les risques potentiellement encourus par ses pratiquants, à la fois sur les plans physiologique, psychologique et social.
Non seulement des travaux ont montré qu’il n’y avait pas davantage d’accident de sport chez les personnes épileptiques que dans la population générale, – il y en aurait d’ailleurs moins – ; mais de plus, différentes études ont révélé que la pratique d’une activité physique régulière permettrait de réduire la fréquence et l’intensité des crises tout en améliorant la qualité de vie et l’estime de soi des personnes souffrant d’épilepsie. Ainsi en 2016, un consensus a été publié par la Ligue internationale contre l’épilepsie encourageant la pratique sportive des personnes épileptiques, tout en précisant certaines restrictions (activités en haute altitude, plongée sous-marine, etc.).
Cette reconnaissance grandissante des bienfaits de l’activité physique sur l’épilepsie comme sur d’autres maladies chroniques se traduit cette même année en France par la publication d’un décret [n° 2016-1990 du 30 décembre 2016] permettant aux médecins traitants de prescrire du « sport sur ordonnance » à leurs patients atteints d’affection de longue durée dont font partie les épilepsies graves.
Une prérogative qui marque un véritable changement de paradigme sur ce sujet, faisant passer l’activité physique de la « proscription » à la « prescription » auprès de ces publics vulnérables. Pour être plus précis, le décret ne fait pas référence au sport mais à l’activité physique adaptée (APA) et il s’agit là d’un point important.
La pratique physique des personnes vivant avec une épilepsie peut effectivement être conditionnée à un certain nombre d’ajustements et doit bénéficier d’un accompagnement spécifique visant à garantir leur sécurité. Ces modalités doivent permettre d’appréhender les singularités de l’épilepsie de chacun : facteurs déclencheurs, fréquence et type de crises, etc. Tout l’enjeu porte donc sur cette notion d’adaptation et sur sa mise en œuvre.
L’APA est le domaine scientifique et professionnel de l’activité physique s’adressant à toute personne ne pouvant pas pratiquer une activité physique ou sportive dans des conditions ordinaires et qui présente des besoins spécifiques de santé (telles que les personnes souffrant d’épilepsie), justifiant la mise en place d’adaptations.
Organisées conjointement par le pratiquant lui-même, l’enseignant en APA et le médecin, ces adaptations doivent permettre de donner accès à tout type d’activité, notamment celles générant le plus d’appréhension, parfois en lien avec de mauvaises expériences vécues par le passé. L’idée n’est plus de disqualifier une activité pour les risques supposés ou réels qu’elle ferait encourir au pratiquant épileptique, mais plutôt de chercher à l’adapter pour la rendre accessible, sécurisée et sécurisante.